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« After » : incursion dans un club techno

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
La nuit, à Paris, un portail de garage anonyme ouvert sur la rue comme une gueule béante exhale un murmure venu des profondeurs. L’on descend par degrés, entre étages ténébreux et piliers fantomatiques, pour arriver dans un club techno, où la fête bat son plein. After, le premier long-métrage d’Anthony Lapia, plonge littéralement en apnée dans cet antre souterrain.
Les premières minutes se déroulent en pure immersion dans ce bain électronique – boucles hypnotiques et cadence martelée – où les corps en présence se meuvent à l’unisson, tous ensemble et chacun dans sa bulle. Dans ce moment, le jeu des regards, la permutation des silhouettes, les visages en béatitude dessinent comme une infrascénographie dont la beauté pourrait se suffire à elle-même.
Et puis, parce qu’il faut bien raconter quelque chose, le film suit quelques personnages aléatoires dans des arrière-salons, et chute d’un cran. Ceux que l’on voyait danser se mettent à discuter, et la parole nous ramène à un niveau beaucoup plus trivial. Les microfictions qui se profilent restent trop embryonnaires pour vraiment imprimer : on s’échange des « traces » de cocaïne, on règle des comptes affectifs ou narcotiques, on reste, on part. Ce qui pouvait s’apparenter à une approche du milieu techno, surtout de son brassage, de son mélange, demeure à l’état gazeux.
Et puis, le film bifurque encore, et emboîte le pas de deux autres personnages qui se replient pour finir la nuit ensemble : Félicie (Louise Chevillotte), jeune avocate éduquée, et Saïd (Majd Mastoura), un chauffeur de VTC issu de l’immigration, dont la rencontre marque aussi celle de deux sphères sociales. Avant toute étreinte, les deux se lancent dans une longue conversation où vont s’éprouver leurs visions du monde aux antipodes – elle fataliste, lui révolté. Dans ses meilleurs moments, After saisit assez bien le climat de déconfiture qui succède à la fête : mégots refroidis, taches de vin, dette de sommeil et faciès décavés, avant que l’aube blême ne vienne relever les compteurs et tout ramasser.
La durée brève (un peu plus d’une heure) permet de circonscrire cette unité de temps que serait la nuit, et s’aventure parfois au seuil de l’abstraction – belle errance de Saïd dans l’obscurité de l’appartement inconnu quand les plombs ont sauté. Mais le film paraît aussi trop court quand, en dernier recours, il tente de se raccorder à un horizon politique et un sentiment insurrectionnel qu’il sent gronder dans le corps social. After est beau quand il se tait, un peu moins quand il ratiocine, comme ces personnes trop bavardes qu’on croise parfois en soirée, et auxquelles on voudrait simplement dire : « Alors, on danse ? »
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